« Malheur à qui tel de son ombre
S’effraie devant l’aboi des chiens et que le vent fauche
Misérable est celui à peine existant
qui demande l’aumône à son ombre »
Mandelstam *
« Faiblesse ou force : te voilà, c’est la force »
Rimbaud
Nous le savons, cette énergie et cette force, pour lesquelles le poète manifeste sa préférence, vont se retrouver confrontées à des obstacles et des limites majeures qui vont entraîner le jeune Rimbaud précisément en enfer.
Et là tout déraille : renoncer à être soi-même, se construire un faux-self (Winnicott) pour plaire à son entourage et lui renvoyer l’image de celui-celle qu’il veut que nous soyons, s’appauvrir pour ne pas être jugé-e comme un-e inadapté-e ; mettre le paquet sur le packaging par peur de se dévoiler ; finir par ne plus surprendre et ne plus être surpris-e ayant contracté l’une de ces nombreuses « maladies de l’homme normal » (G. Le Blanc), choisir une vie « sans aléas » (ibid), une vie rétrécie.
Ce que Hélène Deutsch (1935) appelle les « personnalités as if « : celles qui font comme si…
« Quand nos amis les plus sûrs s’accordent à nous conseiller un acte important, les sentiments qu’ils expriment avec tant d’insistance viennent se poser à la surface de notre moi, et s’y solidifier à la manière des idées dont nous parlions tout à l’heure. Petit à petit ils formeront une croûte épaisse qui recouvrira nos sentiments personnels ; nous croirons agir librement, et c’est seulement en y réfléchissant plus tard que nous reconnaîtrons notre erreur. Mais aussi, au moment où l’acte va s’accomplir, il n’est pas rare qu’une révolte se produise ». (Bergson)
Giovachhini ira plus loin, et parlera de « Soi blanc » pour évoquer la difficulté de se construire une identité personnelle stable et solide.
La vie rétrécie, si elle permet de bien fonctionner, tel un rouage dans une immense machinerie, rend l’existence difficile et dangereuse. Dangereuse parce qu’il n’y pas mieux pour contrôler et dominer quelqu’un que de limiter ses options vitales et existentielles.
La « régularisation par amoindrissement », comme le dit gravement G. Devereux, se paie souvent au prix fort et ne peut être évité que par la constitution d’une véritable identité intégrée, étant entendu que « le non-intégré a été gelé pour permettre la survie ».
Et pour compliquer l’affaire, s’agissant de vie, nous n’en menons pas qu’UNE SEULE, mais une foultitude qu’il nous appartient de mettre en musique et d’en orienter le devenir. Car ces vies ne cessent de se croiser et de s’entrechoquer, donnant ainsi le sentiment d’une existence chaotique, morcelée, désorientée. Les malaises et les crises deviennent alors inévitables.
Guy Bajoit est l’un des rares à avoir exploré ce terrain de manière systématique. Le déséquilibre du Soi se fait au profit des autres et à notre propre détriment :
Bajoit construit ainsi son modèle d’identité qui serait composée de 3 sphères en étroite relation, mieux : en empiétement permanent les unes sur les autres :
Fort de cet entrelacement, Guy Bajoit va être amené à définir 6 zones de tensions existentielles :
1. Zone de réalisation déviante : je n’obéis qu’à mes seuls désirs au détriment de ceux d’autrui et des normes de la société
2. Zone de soumission contrainte : je n’obéis qu’aux attentes des autres au détriment de mes propres désirs et aspirations
3. Zone d’auto-destruction personnelle : je m’engage dans des actions effectuées contre soi et contre les autres
4. Zone d’insoumission : je renonce à faire / à être ce que les autres attendent de moi (parce que cela ne répond pas à mes désirs)
5. Zone des désirs réprimés : je renonce à être / faire malgré mes désirs, parce que cela m’est interdit par les autres, la culture ou la société
6. Zone d’inhibition : je renonce à faire / à être bien que cela répondrait à mes désirs et bien que les autres ne m’interdiraient pas ou même aimeraient que je fasse / sois. (Guy Bajoit, Socioanalyse des raisons d’agir. Etudes sur la liberté du sujet et de l’acteur, éditions Presses Universitaires de Laval)
La crise n’est pas loin, qui peut prendre la forme d’un retour du refoulé, qui est plus morbide que le refoulé lui-même.
C’est le moi d’en bas qui remonte à la surface. C’est la croûte extérieure qui éclate, cédant à une irrésistible poussée. Il s’opérait donc, dans les profondeurs de ce moi, et au-dessous de ces arguments très raisonnablement juxtaposés, un bouillonnement et par là même une tension croissante de sentiments et d’idées, non point inconscients sans doute, mais auxquels nous ne voulions pas prendre garde , Bergson, (Essai sur les données immédiates de la conscience, p. 127)
Ce que Bergson évoque là n’est pas autre chose que la révolte du vrai-self. La crise étant justement ce retour à la surface de ce vrai-self cantonné dans les caves du Soi.
Elle peut prendre la forme du bien connu « démon de midi« , qui est aussi le nouvel âge de la passion, qui fait éclater les cadres sécurisants et moraux et au cours duquel « le corps pulsionnel » (P.L Assoun) reprend ses droits sur et contre « le corps organique« , frappé pourtant par les vicissitudes du temps. Comme quoi « un corps peut en cacher un autre » (P.L Assoun)...
Partir à la re-conquête de Soi ou le laisser émerger à la faveur d’une crise, c’est effectuer le même choix que Rimbaud : la force.
C’est transformer ses crises, parfois immatures, en crises « maturationnelles » (Caplan) pour accéder à la MATURESCENCE (C. Attias-Donfut) qui « pourrait être considérée comme un travail personnel et social pouvant préparer dans un sens plus favorable, l’évolution obligatoire vers la sénescence » (L. Millet, La crise du milieu de la vie, éditions Masson, p. 146).
C’est se reconnecter avec sa libido vitalis, soit la joie et le plaisir de vivre ; c’est être (enfin !) un-e « artisan du Self » (S. Resnik).
Il s’agira de reprendre son chemin de croissance, bloqué par des blessures qui n’ont pas été surmontées, parfois simplement verbalisées.
Mon rôle ?
ETRE, A VOS CÔTES, VOIRE JUSTE DERRIERE VOUS, UN VERITABLE PARTENAIRE TRANSITIONNEL (Wadner), catalyseur de croissance (comme on dit d’une personne qu’elle a la main verte) et participer à votre croissance personnelle et professionnelle. Il s’agira de rendre vivantes et actives ces parties inanimées du Soi, de déconstruire les croyances limitantes sur soi, le monde et les autres, de les désamorcer pour laisser place aux énergies nouvelles, parfois insoupçonnées. Pour ce faire, il faut que vous soyez rencontré-e dans votre vrai-self et non seulement communiquer avec et à partir de votre masque ou ce qui tient lieu de faux-self; il faut que vous puissiez être soutenu-e pour pouvoir à votre tour soutenir et être soutenant-e.
Les enjeux sont de taille puisqu’il en va de la qualité de votre vie comme de celle de votre entourage:
« La santé mentale c’est de choisir de vivre avec des gens qui ne nous rendent pas malades » (in J. Bowlby, Amour et rupture : les destins du lien affectif, éditions Albin Michel).
Un accompagnement personnalisé donc pour :
- Identifier ce qui entrave ma vie aujourd’hui
- Percevoir et identifier mes ressorts essentiels et les composantes solides de ma personnalité pour traverser les difficultés
- Retrouver et alimenter sa libido vitalis
- Identifier ses axes de déploiement
- Oser être moi dans mes relations
- Développer des relations authentiques et toniques et en finir avec les personnalités toxiques
- Poser des actes d’existence pour m’affirmer davantage et gagner en assertivité
- Développer ma compétence biographique
- Identifier ma structure de vie
* Le poème de Mandelstam, cité en exergue de cet article, est ainsi commenté par Alain Badiou:
« (…) Si on prétend te transformer en quelqu’un d’à peine existant, refuse en tout cas la peur et ne demande rien à l’ombre que tu crois être devenu ! (…). Quoi qu’il arrive, garder le pouvoir de lever la tête: telle est, dans les circonstances où l’on cherche à convaincre un sujet que le mal le réduira à rien, la simple et difficile physique de l’infini », A. Badiou (L’Immanence des vérités. Alain Badiou L’être et l’événement 3, éditions Fayard, pp. 171-172).
A méditer:
« Parfois lorsque vous vous retrouvez dans l’obscurité, vous avez l’impression d’avoir été enterré-ée. En réalité vous avez été semé-ée ». (C. Caine)
« Tous les hommes sont à la fois comme tous les hommes, comme quelques hommes comme aucun homme » (Voltaire)
« Une carrière réussie, c’est magnifique, mais on ne peut pas se blottir contre elle la nuit quand on a froid » (M. Monroe)
Autre façon de dire qu’il faut bien veiller, comme le dit Vincent Lenhardt, à « mettre l’essentiel au cœur de l’important » (in, V. Lenhardt, Oser la confiance: Propos sur l’engagement des dirigeants, p. 97).
Compétences associées
- Stabilité identitaire
- Narration de Soi
- Estime de soi stable
- Intelligence émotionnelle
- Spititualité
- Humour
- Optimisme
- Pour expérimenter la liberté