A partir de quand est-on vieux-vieille ? Et puis : que faire de sa vieillesse ? La vieillesse peut-elle être une chance ?
La question frise l’insolence.
Car les risques inhérents à cette (dernière ?) étape de la vie sont déjà familiers à certains-es d’entre nous et le seront pour d’autres dans un avenir pas si éloigné.
Jean-Claude Monfort les a bien énumérés :
- Le risque de mourir prématurément (mais toute mort, n’est-elle pas prématurée ? Et puis : en quoi la mort nous concernerait-elle ? Est-on condamné à faire et à réduire l’être humain à un « être-pour-la-mort » comme le veut Heidegger ? N’y a t-il pas un noyau d’éternité à partir duquel il serait possible de vivre en Immortel, noyau sur lequel le temps ne saurait exercer sa fonction corrosive ?
- Les risques corporels, notamment de douleurs aigües (mais n’y a-t-il pas autre chose à dire et à faire de ces épreuves que cette vision doloriste et misérabiliste ?)
- Les risques de l’esprit, notamment la perte de certaines fonctions cognitives, de l’effondrement psychologique et de la démence
- Les risques du remaniement conjugal et familial.
- Les risques de la solitude.
Y a-t-il donc une « puissance du vieillir », comme nous le suggère François Villa ? Est-il possible de « gagner en intériorité ce qu’on perd en étendue » ?
Dans l’affirmative, quelle serait la nature de cette puissance ? Et comment la libérer ? Au service de quelles orientations existentielles ?
« Un avenir borné, un passé figé, telle est la situation qu’ont à affronter les gens âgés », nous dit Simone de Beauvoir de la vieillesse (La vieillesse, éditions Gallimard, p.400), donnant ainsi l’image de personnes coincées dans une sorte de prison temporelle.
Etonnant et surprenant propos venant d’une philosophe qui n’a eu de cesse d’insister, dans une veine existentialiste, sur la liberté humaine : celle de pouvoir me choisir et de me décider à chaque instant, allant jusqu’à soutenir qu’« une liberté qui ne s’emploie qu’à nier la liberté doit être niée ».
Si comme le soutient André Green, « le psychisme humain est sous l’influence d’un double déterminisme, naturel et culturel » (A. Green, La causalité psychique, éditions Odile Jacob, p. 14), on ne saurait faire de cette influence un destin implacable qui s’abattrait sur nous sans espoir de pouvoir le modifier, nous conduisant un peu plus à l’impuissance et à une lente agonie.
Il s’agit donc d’ouvrir et d’explorer les potentiels de l’âge avancé. En partant de l’idée que nul bonheur n’est possible « si l’individu ne surmonte pas le tissu de médiocres satisfactions où se tient son objectivité animale » (A. Badiou, Métaphysique du bonheur réel, PUF, p. 37), réduire votre âge avancé (comme la jeunesse du reste) à vos seules préoccupations corporelles, c’est vous fermer les portes d’une possibilité de félicité et de béatitude dignes de votre statut de Sujet qui « naît toujours de la rencontre incalculable d’un possible ignoré » (ibid, p. 38).
Car l’enjeu est de taille : peut-on se contenter de vivre sa vieillisse sous le mode misérabiliste et de l’enfermer dans la seule approche bio-médicale ? Comment transformer les risques ci-dessus listés en véritables opportunités et chances ? Comment maintenir intacte, ou la relever si elle en berne, la Libido Vitalis, comme l’appelle si joliment Frans Veldman, définie comme « le désir de vivre, fondamental, essentiel, caractérisé, en tant que plaisir de vie et attachement à la vie, par une impulsion vitale profonde ». (F. Veldman, Haptonomie. Science de l’affectivité, PUF, p. 114).
Là encore, une vision simpliste de la vieillesse nous prive de profiter de ses nouvelles possibilités qu’elle draine avec elle.
Choisir Tuning-point , c’est se donner le droit et l’autorisation de délier vos énergies laissées en jachère, de ne pas aligner votre vitalité existentielle sur le seul et unique tonus de votre corps:
« Ce n’est pas le cierge qui fait la flamme, c’est la flamme qui a fait le cierge » (Paul Claudel).
Pour cela, des ateliers, des rencontres, des formations, des débats sont mis en place afin de vous permettre de redéployer ces ressources affectives (libérer la joie et la tendresse), cognitives (maintenir son éveil intellectuel), sociales (tisser des liens différents et construire de nouvelles relations) et conatives (écouter les autres et s’ouvrir au sens).
Si être heureux c’est « découvrir en soi-même une capacité active dont on ignorait qu’on la possédait » (A. Badiou, op.cit., p. 48), n’est-il pas alors venu le temps de se donner le droit d’être heureux-se même et surtout à cet âge avancé ?